0205 Le Silence du Père

Mona parlait l’autre fois du silence du Père, disant : ‘non , le Père n’est pas silencieux’ (n° 13 – Mars 2002).
Le silence de Dieu est pourtant une réelle question dans notre humanité. Dans le monde Juif, l’effroi de la Shoah a conduit à cette même question.

C’est que l’homme pécheur a douté de la Parole de Dieu. Depuis, l’homme doute de Dieu, et c’est la source de son enfer. Seule une parole claire, constante et fidèle de Dieu à l’homme peut lui redonner confiance.
Pour comprendre, il faut remonter très loin. La Bible nous rapporte un double procès, symboliquement et réellement mis dans la bouche du Mauvais, appelé l’Accusateur.
A - A l’Homme, Adam, Satan prétend que Dieu ne l’aime pas. Ou ne l’aime que pour le garder en dévot esclave. ‘Mange de l’arbre, Dieu te cache ta liberté, ta dignité’.
B - A Dieu, Satan prétend que l’Homme ne l’aime pas. Ou ne l’aime que pour les avantages qu’il en reçoit. ‘Enlève à Job ses biens et même sa famille, tu verras qu’infidèle, il te maudira’. Or Dieu ne peut sauver l’homme en lui plaquant une justice extérieure. Il doit, dans un amour vrai, qui se donne, donner à l’homme dans sa liberté, de devenir capable d’un même amour vrai, sans magie. C’est en Jésus, vrai Dieu et vrai Homme, que se trouve la solution. A – Dieu, en se faisant homme, aime l’homme inconditionnellement. B - Au même lieu, sur la croix, l’Homme Jésus aime les hommes et Dieu.    
    1 - L’Homme qui aime les mauvais qui le rejettent pour continuer leur œuvres ténébreuses. Il prie pour eux.        2 - Plus éprouvant, il aime les amis qui, dans leur peur, l’abandonnent et ne viennent pas témoigner au procès pour la défense du juste injustement accusé. Il leur pardonne.          
    3 - Et finalement, le plus éprouvant, il expérimente la situation des hommes qui veulent faire alliance avec Dieu         et qui doutent de Dieu. Et Jésus reste fidèle ((2 Timothée 2, 13c que nous pourrions oser transformer ainsi : Si Dieu lui apparaît infidèle (Jérémie 15, 18b : vraiment, Seigneur, tu es devenu pour moi comme un ruisseau trompeur, aux eaux décevantes !), Jésus lui demeure fidèle, car Jésus ne peut se renier lui-même)) à lui même quand Dieu se rend incompréhensible. Il va au bout de sa démarche de don de soi-même.    

Par ce silence, aussi crucifiant pour le Père que pour le Fils, le Père donne à l’Homme l’opportunité d’aimer, d’être fidèle à lui même quand l’ami, l’allié, le Père, Dieu, semble faire défaut !

Pourquoi le fait-il ? Pourquoi doit-il le faire ? Pourquoi doit-il, d’un commun mouvement avec son Fils qui se croit abandonné, s’y soumettre ? Parce que c’est la seule façon à un homme de mettre en œuvre, pour la seule et unique fois dans l’histoire des hommes, un amour vrai. Aimer l’autre, même quand il est, ou quand il m’apparaît pauvre. Aimer les riches, même les mauvais savent le faire ! Aimer les pauvres, ou ceux que je crois tels, seul un Saint sait le faire. Seul le Saint de Dieu, incarné sans retenue dans l’histoire de l’homme, ayant tout assumé de son humanité, de ses angoisses, excepté le péché, seul le Saint de Dieu a pu aimer vraiment. Seulement par la foi et le baptême, où nous devenons membres de son corps, seulement ainsi, nous pouvons entrer dans l’Amour et recevoir la Vie.

Oui, Dieu est silence de mots, d’interventions militaires ou de magie séductrice. Oui, et plus que nous, Dieu de tout amour souffre de nos pauvres amours et de nos crimes. Oui, Dieu n’a d’autre parole que sa présence sur la croix. Devant le mystère du mal, et tout particulièrement du mal qui rassemble nos prières, seul un regard levé sur la croix pour y voir la souffrance du Père peut être un chemin de salut qui nous rend à la capacité d’aimer.
Père Bruno - mai 2002