Septembre 2009 Prier pour le pauvre
Un courrier envoyé en mai dernier par
Danièle m’a interpelée.
Elle écrit : « Aujourd’hui je voudrais vous parler d’une notion qui m’irrite au
plus haut point depuis le début : celle de « pauvre » adulte qui
a fait souffrir.
- J’associe cela au jugement de « pauvre type » = minable, moins que rien. Je n’ai pas envie de prier pour un pauvre type ( ou une pauvre femme ) dont on ne tirera jamais rien parce qu’il a commis un acte trop horrible. Je veux prier Dieu,
Sainte Trinité, et Marie mère des hommes, pour un être humain qui est
prisonnier du Mal et qui a besoin de vivre son chemin de Damas.
- Si lui est pauvre, moi qui suis-je ? Pauvre mais pas autant que lui. Riche, certainement, mais comment partager ma richesse avec lui. Je ne pense pas que sa pauvreté soit celle du pauvre pécheur. Il ne se sait pas pécheur. Et si lui pauvre est digne du pardon de Dieu, moi qui ne suis qu’un pauvre pécheur ( pécheresse a un autre sens ), mon péché étant nettement moindre que le sien, je n’ai pas d’effort à faire.
Alors
que plus on découvre la miséricorde de Dieu, plus on découvre comme on est loin
de Lui. Mais ,baptisé(e) et réconcilié(e), nourri(e) de sa Vie, je suis
déjà dans la Vie éternelle.
C’est
difficile à expliquer, mais il est plus facile pour moi de prier pour l’enfant
et chaque adulte maltraitant si je prie, en sautant le mot "pauvre"
pour un adulte qui a gravement blessé un ( ou des ) enfant(s). »
Tout d’abord, merci Danièle pour ce
courrier.
Que puis-je répondre ?
- Quand a été créé l’UEDLP, le mot pauvreté pour l’adulte a été une
évidence : pauvre pour l’enfant et pauvre aussi pour lui-même, pauvre de
l’amour que chacun nous portons, ou devrions porter, puisque tous créés à
l’image de Dieu, pauvre de miséricorde, pauvre de justice, pauvre de tendresse,
pauvre de compassion.
En aucun cas, l’adulte maltraitant n’est un
« pauvre type », un minable, un rebut de la société, un paria. Non.
C’est un homme ou une femme comme vous et moi, un frère ou une sœur en Christ.
Aimé comme nous, tout autant, par Dieu dans son Amour incommensurable.
- Oui, il a commis un acte horrible, insupportable. Il n’y a pas de mots pour exprimer le drame de ces enfants. Et combien même le crime est affreux, combien l’Amour et la Miséricorde de Dieu dépassent tout ce que nous pouvons en imaginer. Que dire de cet Amour fou de Dieu pour nous, allant jusqu’à offrir son propre Fils en sacrifice. Le Cœur du Père et le Cœur du Fils souffrant à l’unisson de nos péchés, du péché de cet adulte, de notre péché.
- Oui cet adulte est pauvre, comme nous sommes pauvres. Pauvre d’aimer,
pauvre d’espérer, pauvre de pardonner, pauvre de Miséricorde. Notre seule
richesse ne nous appartient pas. Elle est le don précieux de Dieu qui demeure
avec nous, en nous par l’Eucharistie.
- « pauvre pas autant que lui ». J’ose dire : ײoui, je suis pauvre, autant que lui ײ. Bien-sûr je n’ai pas maltraité
un enfant, mais combien de fois ai-je
maltraité l’Enfant, la Promesse pour
notre salut. Combien de fois ma dureté, mon orgueil, mes mensonges, mes
calculs, mes regards, mes jugements envers les autres ou envers moi-même n’ont
– ils pas torturé son Cœur d’Enfant à la Crèche, son Cœur d’Enfant sur la Croix.
Mes propos peuvent paraitre excessifs
à certains. Alors prenons un autre exemple : qui de
Pierre reniant Jésus, son ami, son compagnon, ou du ײbon ײ larron est le
plus pauvre ? Quels sont les crimes qui ont amené cet homme à subir la
mort par la croix ? Hormis les personnes qui représentaient un risque pour
l’Empire Romain, seuls les assassins de grand chemin étaient condamnés à la
« peine de la croix » [1].
Ainsi donc le bon larron était peut-être, certainement, un assassin de grand
chemin. Et pourtant, Jésus agonisant sur le bois de le croix, lui reconnaît
l’honneur d’être à ses côtés au ciel, parce que le pauvre a reconnu en lui le
Messie. Et pendant ce temps là, Pierre est celui qui a renié le Sauveur. Qui des 2 est le plus pauvre : l’ami qui
trahit, alors qu’il est riche du compagnonnage de Jésus ou le larron, pauvre de
ses crimes, qui accueille la richesse du regard aimant du Christ ? Face
à Dieu nous sommes tous pauvres, pauvres d’aimer. Dieu nous aime, quelque soit
le jugement que nous portons sur notre péché, et il ne veut que notre cœur pour
y répandre l’Amour.
- Oui l’adulte est prisonnier du Mal, du Mauvais. Et par notre prière il
s’agit bien de participer, à notre mesure, au combat de la Lumière contre des
ténèbres qui tentent, même vaincues par la Croix, de recouvrir la terre. C’est pour cela aussi
que chaque priant de l’UEDLP est une ײ petite
flamme ײ de la Miséricorde
Divine dans la nuit du péché et du mal. Notre humble, notre insignifiante
prière, participe à ce combat mené au Saint Nom de Jésus pour la seule Gloire
de Dieu.
- Il ne faut pas non plus regarder l’adulte maltraitant comme quelqu’un
qui ne se sait pas pécheur. Hormis quelques exceptions liés à la maladie
psychiatrique, nombreux sont les
maltraitants qui savent qu’ils font mal.
Ainsi
le silence imposé aux victimes de maltraitances sexuelles : il est
fréquent que l’adulte dise à l’enfant de ne rien raconter ( sinon il va le
tuer, ou bien se suicider, ou la famille va exploser … ). La notion de bien et
de mal est souvent très pointue chez les pédophiles qui s’attaquent à des
enfants de plus en plus jeunes. Ils savent que le viol des très jeunes est un
anéantissement de la pureté par le mal.
Quand
le Christ demande au Père de pardonner à ceux qui le maltraitent, il sait que
ceux-ci mesurent la violence de leurs gestes mais, qu’aveuglés par leur colère,
ils ignorent, qu’au travers du Fils, c’est le Cœur brûlant d’Amour du Père qui
est maltraité.
- Et oui, quand
Dieu vient frapper à notre cœur cela provoque souvent des remous. Plus l’Esprit nous
donne d’avancer dans la compréhension de la Miséricorde Infinie de Dieu, plus
nous nous sentons loin de lui. Plus notre petitesse se révèle à nous, plus nous
appréhendons, bien modestement, ce puits d’Amour du Cœur de Dieu et du Christ
Sauveur.
- Pour finir ce long propos, je voudrais vous proposer de prier et de méditer ces deux strophes d’un poème de Sainte Thérèse de Lisieux :
Moi si j'avais commis tous les crimes possibles,
Je garderai toujours la même confiance,
Car je sais bien que cette multitudes d'offenses,
N'est qu'une goutte d'eau dans un brasier ardent [...]
Non, tu n'as pas trouvé créature sans tache,
Au milieu des éclairs tu nous donnas ta loi,
Et dans ton cœur sacré, ô Jésus je me cache
Non je ne tremble pas, car ma vertu, c'est toi.
Et que le
Seigneur continue à tous nous modeler, nous éclairer, pour que, par notre
participation à cette prière de l’UEDLP, nous devenions un peu plus chaque jour
de modestes ײ petites flammes de Sa Miséricorde ײ.
Mona
[1] In Digeste du jurisconsulte CALISTRATE sous l’empereur Septime-Sévère ( 193-211 )